… en Joëlette !
Faire une partie du chemin de Saint Jacques sur plus de 200 Km, et en plein été 2003, relève déjà d'une belle aventure !
Mener ce projet à bien, en équipe mixte, avec A…,une personne handicapée de naissance faisant partie de notre « vie Scoute » depuis des années et qui hélas ne peut pas marcher sans ses cannes, cela devient une belle aventure qui a été tentée, bien sûr, en se donnant quelques moyens pour y arriver .
Tout d'abord, A… serait avec nous sur le chemin, il fallait donc trouver un moyen pour l'emmener avec nous lors des heures de marche ; ce sera une « Joëlette » : c'est une sorte de brancard avec une roue comme appui central. Le lycée Sud du Mans devient partenaire de notre projet en construisant ce matériel. Les essais semblent concluants… et en route pour Saint Jacques !
C'est parti pour 18 jours de camp itinérant : 8 filles et 4 garçons encadrés par 3 chefs.
Dès le deuxième jour, les ampoules font des ravages aux mains des « porteurs » de la Joëlette, visiblement la technique n'est pas parfaite ! Faut-il tirer ? Pousser ? Porter parfois ?…
Mais les Scouts sont imaginatifs, observateurs, débrouillards et un harnais, avec une partie en tissu élastique est ajouté, ce sera la solution jusqu'à la fin du pèlerinage pour contrecarrer d'une part les différences de taille des porteurs et d'autre part le profil du chemin avec les trous et les bosses.
C'est formidable de faire ce pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle et dans ces conditions, c'est extraordinaire et ça grave des souvenirs inoubliables, d'autant plus que le moment, sûrement le plus fort, a été lorsque A… a fait seule avec son déambulateur, sa marche sur le chemin. Le seul incident technique aura lieu à ce moment là : une roue du déambulateur d'A… casse, ce qui montre qu'elle a été beaucoup sollicitée sur des terrains peu adaptés ; une roue de secours a été fabriquée avec des morceaux de bois présents sur le lieu de camp suivant.
A… a fait ces 200 mètres pour elle bien sûr, mais aussi pour nous tous qui avons eu ce projet un peu fou. Mais nous ne pouvions pas faire un camp sans qu'elle soit avec nous… alors la solidarité jouant, nous sommes tous allés à Saint Jacques de Compostelle. Certes sous la pluie battante, un accompagnateur se retrouvant devant le groupe « conduit » tout le monde sur le chemin, chacun étant emmitouflé dans son vêtement de pluie… jusqu'à ce qu'il se rende compte que les deux autres accompagnateurs ne suivent plus ! Mais où sont-ils ? Finalement ils seront le soir à l'étape en ayant pris un mauvais chemin à un certain moment !
Vous connaissez ASTORGA ? Là, la pente est rude et le chemin glissant à cause du gravier, alors tout le monde pousse ou tire cette Joëlette sous les applaudissements des autres pèlerins qui assistent à ce moment de grande entraide ! Il faut dire que dans ce passage, il est habituel que certains pèlerins « posent » leur sac à dos et ce sont des porteurs sis au gîte d'étape qui se chargent de rapatrier les sacs en voiture !
Notre groupe a été bien accueilli par certains riverains qui nous demandaient d'inscrire un témoignage sur leur cahier et d'autres par solidarité nous ont offert des friandises, des crêpes ou des fruits.
En Espagne, faire le pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle est un plus sur le CV ; il faut avoir fait au moins 100 Km à pieds ou 200 Km à cheval ou en vélo. Avec ou en Joëlette vous pensez bien que la performance est grande car même pour A…il lui a fallu une grande confiance et comme à tous, ce petit peu de folie pour accepter de faire ce pèlerinage.
Les 100 derniers Km avant Compostelle, il y a beaucoup de monde sur le chemin et c'est la course aux auberges; aussi un gymnase nous a accueillis une nuit et un terrain de foot a été notre lieu de camp une autre fois. Sur ces 18 jours passés ensemble, 14 jours de marche dont 2 ou 3 jours de pluie et le soleil d'Espagne les autres jours, c'est plus dur que nous ne pensions.
Puis nous nous arrêtons au camp avant l'arrivée à Saint Jacques de Compostelle et là, c'est un peu la déception devant cette ville grouillante et ces commerces et ces boutiques ! Et nous qui sommes là sans nos sacs restés au camp donc un peu en « touristes » et moins en pèlerins !
Le bilan : très fatiguant pour les chefs qui se couchent plus tard et se lèvent plus tôt que les jeunes… et la fatigue s'accumule pour tout le monde. Après 4 ou 5 jours, les sacs ont trouvé place dans la voiture suiveuse et il y avait moins de volontaires pour la Joëlette (chacun se dit qu'il a du mal à avancer et a tendance à penser à lui) quant à A… bien que parfois ballotée, secouée, chahutée sur les trottoirs des villes ou dans les escaliers, elle ne s'est jamais plainte et n'a pas demandé de faire attention à elle ; s'est dite super contente que les autres jeunes aient mené à son terme le projet avec elle.
Certains, seuls sur le chemin, ne seraient pas allés au bout, en équipe ça s'est fait ! Il s'est formé des groupes de marcheurs par affinité et/ou par rythme de marche. Ils étaient 2, 3 ou 4 ayant la même allure et le regroupement avait lieu un peu plus loin. Il faut dire que les étapes faisaient 20 à 25 Km ce qui fait 5 h de marche par jour entre 6 h et 13 h pour être un peu à la fraîche ; le but étant d'arriver à 13 h à l'étape. Aussi c'était « bocadillos » (sandwichs) tous les jours à midi ! Avec l'arrivée à Saint Jacques de Compostelle ce sont les deux points les moins bons de notre pèlerinage ; Le positif l'emporte sur tout le reste : nous avons vu de beaux paysages, nous avons vécu la solidarité avec les autres pèlerins même si un groupe de 15 a un peu moins d'ouverture vers les autres pèlerins, enfin, sur le plan humain c'est génial. Merci A… de nous avoir forcés à nous surpasser.
Auteur : une participante à ce périple vers Saint Jacques de Compostelle